Le passage

Deux femmes, des couleurs, une bavette et un cookie

It Paris
4 min ⋅ 10/04/2025


Gabrielle et Marguerite

Deux femmes sont à l’honneur au Musée d’Art Moderne.
L’une, peu connue en France, compte parmi les femmes artistes les plus éminentes de l’expressionnisme allemand ; l’autre est le modèle préféré de son illustre père.

Cofondatrice du cercle munichois du Cavalier Bleu (Blaue Reiter), Gabriele Münter est d’abord connue pour avoir été la compagne de Kandinsky pendant dix ans. Depuis quelques années, alors que les femmes retrouvant leurs lettres de noblesse, et leur place, fondamentale, au centre de la création, on découvre - impressionnés - la diversité des œuvres de Münter, la modernité de son expression et l’indépendance de son propos, qui n’a rien à envier à ses contemporains masculins.
Les couleurs sont intenses, les influences maîtrisées, et les pratiques diverses : photographies, gravures, peinture, dessin.
Des montagnes munichoises à Paris - dont l’importance fut décisive dans sa formation artistique - Gabriele Münter passe du fauvisme à la Nouvelle Objectivité et à l’expressionnisme, donnant à voir son intimité, ses amants, ses amis, les objets de son quotidien et les paysages qu’elle affectionne.
La palette formidable des différents styles de son œuvres démontre une curiosité et un désir d'expérimenter sans préjugés, en s’affranchissant des convenances dues à son sexe et à son époque.

A quelques salles de là, une autre femme est exposée sous toutes les coutures : Marguerite, la fille ainée de Matisse, avec laquelle il entretient une relation fusionnelle.
Fruit de la liaison éphémère entre Matisse et son modèle Caroline Joblaud, Marguerite naît en 1894 et grandit aux côtés de ses frères, de son père et de sa belle-mère Amélie. Éloignée de l’école pour raison de santé, elle traîne dans l’atelier de son père et devient, tout naturellement, prétexte à toutes les esquisses, les peintures, et les travaux préparatoires.
Modèle privilégié et récurrent, elle disparaît progressivement des toiles du maître à partir du début des années 1920.

A partir de 1923, date à laquelle Marguerite épouse l’écrivain Georges Duthuit, elle devient son “agent”, supervisant les tirages et les accrochages, négociant avec les innombrables collectionneurs et lmusées, jusqu’à prendre en charge le catalogue raisonné de l’œuvre de son père.

Une occasion de découvrir certains tableaux venus de collections américaines, suisses et japonaises, exposés en France pour la première fois, et de rendre hommage au talent personnel de Marguerite, peintre à ses heures et créatrice de mode.

Ne pas manquer l’expérience de réalité virtuelle réalisée par Agnès Molia & Gordon, qui permet de se plonger dans le processus créatif de Matisse alors qu’il conçoit La Danse pour la Fondation Barnes à Philadephie - une œuvre qui l’occupe de façon quasi obsessionnelle de 1930 à 1933.
Il existe trois versions de La Danse, dont deux sont conservées au MAM.

D’octobre 2024 à janvier 2025, 3 000 enfants et adolescents ont dessiné leur adaptation de quatre œuvres du musée sélectionnées par l’artiste Olivier Beer. Il en résulte quatre films de 12 images secondes, projetés sur d’immenses écrans, des murs de dessins, et une bande son hypnotique. C’est réjouissant !


P’tit bon, grand oui

Ça commence bien. La succession de bouteilles de Chartreuse ne peut indiquer que du bon. Et quand, sur la carte, on voit qu’il y a même de la VEP, on est convaincu d’être bien tombé.
Camille, qui assure seule le service et la carte des vins, et Maxence, qui cuisine en ouvert, se sont rencontrés au Mojo dans le 17e et ont repris ce p’tit bistrot en face du regretté Abri.
Pour patienter, ce sera le pâté en croûte qui a déjà ses adeptes - et c’est largement mérité, il est absolument délicieux.
Deux autres entrées se partagent la carte ce soir là : poireaux d’Ile-de-France, crème pecorino et poire Nashi, et des moules au curry.
Le pavé de merlu de ligne, jus des têtes au fenugrec est magnifiquement cuit, généreux, et j’ai mangé l’une des meilleures bavette d’aloyau de bœuf charolais depuis longtemps. Accompagnée d’une sauce au poivre, vraiment poivrée, et de pommes de terre grenailles… vraiment canailles.
Une fumée odorante accompagne le passage de la côte de boeuf normande des voisins…
En dessert, impossible de passer à côté du très gros chou à la crème vanille et craquelin noisette (française).
Enfin, arrive le moment de la VEP…
- Incroyable que vous en ayez, c’est si difficile à trouver !
- Le père de Maxence est l’un des grands collectionneurs de Chartreuse de France.
Loin des codes du bistrot bobo, on s’est régalé.
Hâte de revenir gouter les nouveautés, même si je reprendrai la bavette…

P’tit Bon
113 rue du Fbg Poissonnière Paris 9
Fermé samedi midi et dimanche - carte 55€


Et l’édito alors ?

Trump, en décidant d’augmenter drastiquement les droits de douane, fait chuter les bourses du monde entier. Quelques jours plus tard, sous la pression de quelques économistes et business gourous américains, il rétrograde. Les bourses remontent en flèche.
Les commentateurs hésitent entre stratégie et manipulation de marché, ou bêtise et coup de bluff raté.
Dans cette même logique, je réduis les coups de gueule : l’attention diminue.
Je refrappe plus tard, plus fort : c’est le succès, le plébiscite, la gloire.

Cette semaine, je vous parle d’un temps que les moins de 3 375 ans ne peuvent pas connaître.
Les Hébreux en ce temps-là, travaillaient comme des forçats…
Dans quelques jours, ce sera Pessah, la Pâque juive, la plus importante des fêtes : celle qui célèbre la liberté et l’identité. Une fête spirituelle, mais aussi le début du récit national du peuple hébreu.
À travers une symbolique riche, on y raconte la libération des Hébreux du joug égyptiens, en se posant chaque année la même question : “Suis-je libre et de quoi ai-je besoin de me libérer ?”
Car la liberté ne tombe pas du ciel. Elle s’apprend. Elle s’arrache. Et cette force-là, il faut la transmettre, génération après génération - qu’elles soient “sages, rebelles, simples ou incapables de poser une question”.

Parmi les réjouissances, sept jours de pain azyme, une pâte non fermentée, cuite dans les 18 minutes après fabrication. Un pain d’urgence.

Pessah est une fête de protocole, d’apprentissage et de transmission.
Pour se rappeler d’être vigilants sans être alarmistes, d’être avertis sans être tourmentés, d’être combatifs sans être découragés. Et surtout pour préserver une certaine idée de la liberté.


Parfait pour celles et ceux qui ont une interprétation détendue des obligations de Pessah, les gourmands intolérants au gluten, où les gourmands tout court, le “cookie ultime” - conçu par la pâtissière Marine Zerbib (ex. Frenchie) et imaginé par Wanda Schpoliansky pour la pâtisserie sans gluten Chambelland, est une MERVEILLE.
A découvrir à partir de samedi 12 avril et pendant trois petits mois.




It Paris

Par Karine Salomon

- Bonjour, c'est pour un bilan de compétences.
- Parfait. Dîtes m'en un peu plus sur vous.
- J'aime manger, beaucoup. Et j'aime le bon vin.
- Très bien. Et ?
- J'aime beaucoup aller voir des expos et je m'y connais un peu.
- Ah c'est pas mal ça.
- On me dit que j'écris bien et que j'ai pas mal d'humour.
- Bon, ça peut servir.
- J'aime raconter, expliquer, vulgariser, faire saliver. Et rebondir sur l'actualité.
- Très bien. Alors, si je résume, vous êtes une rédactrice, gourmande, férue d'art, avec un talent certain pour le récit et les bons mots. Vous devriez écrire une newsletter.