Du coup...

Conjugaison en rade, Dreyfus chez les Pinzutu, Hervée cuisine

It Paris
3 min ⋅ 20/03/2025


Il y a quelques jours, je suis tombée sur un texte affirmant que l’appauvrissement de notre langue entraînait inexorablement une perte de subtilité de l’expression, lourde de conséquences.

L’abandon des temps verbaux (passé simple, futur, subjonctif, conditionnel), nous conditionnerait à tout voir sous le prisme du présent, sans s’inspirer du passé ni imaginer l’avenir. 
Comment, en effet, discuter une idée ou un fait avec le recul et l’intelligence nécessaires si le discours n’intègre plus ce qui a été, ce qui est, ce qui devrait être, ce qui aurait pu être, ce qui sera, ce qui pourrait être et ce qu’il adviendra si ce qui est demeure ? 

Peu de vocabulaire et moins de verbes conjugués, menace l’auteur, c’est une réflexion qui s’atrophie.  
Sans mots, pas de pensée. Sans pensée, pas de pensée critique. 
Si notre langue se simplifie obstinément, gomme ses genres, oublie ses temps, lisse ses aspérités, comment appréhender avec réflexion et individualisme les bouleversements constants de notre époque ?

Plus le langage est complexe, plus il exige concentration, effort et analyse. Qu’il s’amuse des pluriels et des conjugaisons, qu’il excelle en synonymes et en figures de styles, qu’il se surpasse en exceptions qui confirment la règle, il nous offre la sérénité de la mesure, la force de l’explication, la beauté de l’argumentation. 
Si l’on oublie le petit “n’” des négations, on ne nie qu’à moitié ; si on néglige les définitions, on galvaude les sens, si l’on généralise sans différencier, on condamne les nuances. 

Les slogans, les injonctions, les insultes et les rhétoriques faciles remplacent désormais les commentaires et les développements. La mode est aux phrases choc, hors contexte. Expressions standardisées, sans modération ni subtilité.
Il n’est pas de pensée construite sans exigence, et il n’est pas d’exigence sans précision.
Moins de mots, moins de questionnement. Moins de questionnement, plus de moutons.


Vérité et Justice

Après avoir écouté avec passion les dix heures de podcast de Philippe Collin sur l’Affaire Dreyfus, cette exposition du mahJ ne nous apprend pas grand-chose en termes de chronologie des faits.
En revanche, les 250 documents d’archives, photographies, extraits de films, œuvres d’art offrent une nouvelle approche de “l’Affaire”, comme on l’appelait à l’époque. Une approche plus citoyenne et plus participative, mettant en scène les extraordinaires querelles, désordres, crimes, insultes et répercussions politiques qu’elle a entraînés.
Cette exposition révèle l’incroyable modernité de cet affrontement, où l’antisémitisme est instrumentalisé pour défendre des idées aussi opposées qu’extrêmes : anarchiques, anticapitalistes et nationalistes.
Un doux refrain de déjà-entendu et déjà-vu qui confirme que, quelles que soient les époques, lorsque le monde vacille, les Juifs trinquent.
L’exposition montre également un autre Dreyfus, plus combatif et déterminé que l’homme accablé et résigné que l’on décrit parfois. Résolu à sauver son honneur, il ne se satisfera ni de la révision de son procès, ni de la grâce présidentielle qui lui sera accordée.
Un homme épris de la patrie française, citoyen remarquable, militaire exemplaire, dont la lutte acharnée résonnera bien au-delà des frontières, jusqu’aux oreilles d’un certain Théodore Herzl.

Alfred Dreyfus. Vérité et justice
Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme jusqu’au 31 août 2025


Diner à Neuilly

Quoi ? T’as diné à Neuilly ? Toi ?
Et dans un resto même pas nouveau ?
Eh ben, ce n’est plus ce que c’était, it Paris…
C’est avec mille excuses que nous vous emmenons à Neuilly, juste derrière la Porte Maillot, dans un resto qui nous a été conseillé, parce que “très sympa, et bon, et en bas de chez moi”.
Chez Pinzutu (le continental en Birkenstock), on mange corse et surtout on boit corse.
A la carte, charcuterie, agrumes, herbes, brocciu, glaces et sorbets Geronimi, made in Corsica. Évidemment, on boit de l’Orezza, du Niellucciu et du Sciaccarellu et le service à l’accent de Balagne.
On ne manquera pas de choisir les plats les plus corses, histoire de quitter Neuilly : gnocchi à la farine de châtaigne, œufs en meurette à la Panzetta, stufatu de veau aux olives, pavé de cabillaud aïoli, zestes de cédrat, beignets au brocciu.
Ambiance conviviale, clientèle variée, allant des baskets aux pulls Bompard.
Y retournerais-je ? Oui, avec la voisine. Mais qu’on ne m’y reprenne pas trop souvent.

Pinzutu
10 Rue Montrosier 92200 Neuilly
Ouvert tous les jours


Hervée cuisine les détrituss

Elles sont un peu fofolles, elles sont charmantes et talentueuses, elles sont passionnément écolo et elles adorent bouffer. Elles, ce sont les nanas derrière le roman-photo écolo, Hervée 2.
Maud Zilnyk, fondatrice d’Ahaha Éditions, fait bouger l’écologie dans la cuisine en la rendant accessible et rigolote.
Angèle Ferreux-Maeght, créatrice de la Guinguette d’Angèle, prête son plus beau sourire à ce projet zéro-déchet.
Roxane Lagache, assure la direction artistique sexy-écolo.
Et Hervée, qui dans le premier numéro, avait arrêté d’acheter des Ficelos, apprend dans ce deuxième opus à cuisiner les détrituss.
C’est drôle, décalé, ni revanchard, ni prise de tête.
Les filles ne jouent pas la carte de la culpabilité, mais celle de la prise de conscience gourmande.
Elles ne font pas de politique, elles ne portent pas de vestes vertes, elles chantent, se marrent et prônent une transition écolo tout en douceur.

Hervée 2 en précommande sur le site de Ahaha Editions
Communication purement amicale, même si j’espère bien piquer le t-shirt siglé de l’OM.




It Paris

Par Karine Salomon

- Bonjour, c'est pour un bilan de compétences.
- Parfait. Dîtes m'en un peu plus sur vous.
- J'aime manger, beaucoup. Et j'aime le bon vin.
- Très bien. Et ?
- J'aime beaucoup aller voir des expos et je m'y connais un peu.
- Ah c'est pas mal ça.
- On me dit que j'écris bien et que j'ai pas mal d'humour.
- Bon, ça peut servir.
- J'aime raconter, expliquer, vulgariser, faire saliver. Et rebondir sur l'actualité.
- Très bien. Alors, si je résume, vous êtes une rédactrice, gourmande, férue d'art, avec un talent certain pour le récit et les bons mots. Vous devriez écrire une newsletter.