L'amour du doute

Pluralité d’opinions et découvertes en demi-teintes

It Paris
3 min ⋅ 15/05/2025

Il est certainement bon que soit rappelé à Cannes la mémoire de la photographe Fatima Houssouna. Il serait tout aussi bon qu’il en soit de même pour Tzeela Guez, jeune mère israélienne tuée dans une attaque terroriste - saluée par le Hamas - alors qu’elle partait accoucher.
Aucune mort n’est plus supportable qu’une autre, et dans cette région du monde baignée de violence, il n’y a pas qu’une vérité, qu’une stratégie, qu’un combat politique, qu’une opinion. Il y en a une multitude.
Elles s’expriment ici avec la même diversité qu’elles s’expriment là-bas, mais nous manquons peut-être cruellement d’humilité.

Qui sommes nous pour saisir la haine, les rancœurs, la douleur des parents de morts et de blessés de chaque côté de la frontière ?
Qui sommes nous pour envisager un quotidien rythmé par les sirènes d’alertes et la peur de chaque côté de la frontière ?
Qui sommes nous pour juger un monde dans lequel des enfants sont élevés dans la haine d’autres enfants ?
Qui sommes nous pour comprendre la souffrance des familles d’otages ?
Qui sommes nous pour évaluer les options, donner des avis tranchés, affirmer que les solutions coulent de source ?

La complexité invraisemblable de la situation ne nous facilite pas la tâche. Il n’y a aucune position confortable.
Qui n’est pas tiraillé entre le désir fondamental de paix, la critique d’un gouvernement qui n’a que trop duré, et la peur d’en payer le prix - comme cela a été si souvent le cas par le passé ?
Oui, on peut changer d’avis, en avoir trois en même temps, être assommé par la réalité, entrevoir des solutions, ou tomber dans un pessimisme paralysant. Et tout cela dans la même journée, voire dans la même heure.

La tradition juive encourage le questionnement et la pluralité d’opinion, car c’est en secouant les certitudes, avec conscience et réflexion, que l’on préserve la vaillance et le discernement.
Pas de meute, mais une variété de loups et d’agneaux.
C’est au prix du doute que se construisent les démocraties, et c’est face aux critiques qu’elles se renforcent.


Et parce qu’en ce moment, il est aussi question d’émotion et de mémoire - et que les comparaisons douteuses ont bonne presse - je ne peux que vous conseiller de regarder la série documentaire de France Télévisions consacrée aux crimes contre l’humanité, à travers les procès de Barbie, Touvier et Papon.
Formidable réalisation de Gabriel Le Bomin, qui prend son temps et ne cède pas au zapping d’images.
C’est aussi captivant qu’un bon polar.
Bouleversante, pédagogique et essentielle.


Y retournerais-je ? Peut-être

Dans le parcours d’une testeuse de bonnes adresses, il y a des semaines dont on ressort avec un pas mal, mais pas dingue.

Sur le papier, et à la lecture des critiques gastronomiques de poids, ce Vinello avait tout pour nous séduire : une cuisine italienne non classique, dans un décor très léché à l’ambiance bistronomique.
C’est au cœur des Batignolles que le chef Roberto Cubeta (passé par le Georges V à Paris et David Muñoz à Londres) s’est installé avec ses deux associés, Emanuele et Andrea.
La carte est courte, assumée, et il n’y a qu’un seul choix de pâtes. Ce soir-là encre de seiche et ragoût de poulpe.
En entrée, les asperges de saison sont bonnes, mais classiques (œufs de truite et fines tranche de lard). Le carpaccio de poulpe est raffiné. Finalement, ce sont les anchois de Cantabrie qui séduisent le plus.
Le thon est parfaitement mi-cuit, mais aurait mérité un petit supplément de petits pois.
Et le tiramisu - que j’ai personnellement apprécié - a été gentiment plébiscité.
Une jolie adresse, prometteuse, qu’il nous faudra tester à nouveau pour réellement percer les louanges de nos amis journalistes.

Vinello - 106 rue Nollet Paris 17

Shifu, cantine chinoise déjà bien établie dans le Marais, dans le 14e et à Voltaire, vient d’ouvrir une quatrième adresse… rue de Chaillot !
On s’est donc précipité pour déguster l’une de leurs soupes de wonton, que nous avions l’habitude d’aller siruper après 35 minutes de pédalage. Le bouillon est clair, plutôt parfumé, et il y nagent une bonne dizaine de ces raviolis chinois à la pâte de blé toute fine.
Ce midi, l’adresse avait peine à faire face à l’affluence des affamés en costume, trop heureux de voir enfin l’offre du quartier se diversifier.
Résultat : les baos étaient un peu secs, et un peu gras.
Il faudra tenter non pas les “grillés” (à l’huile), mais la version “vapeur” sans doute plus moelleuse, et plus digeste.

Shifu - 43 rue de Chaillot Paris 16

Toshiya Takatsuka a travaillé chez Kei (3*) pendant dix ans, et l’ouverture de sa pâtisserie était attendue.
C’est dans le 15e qu’il a finalement ouvert sa boutique-laboratoire-bientôt salon de thé, dans ce quartier un peu moderne, près de la station Dupleix.
Ses pâtisseries sont délicieuses, même si on les a trouvées un chouïa sucrées, et le flan un poil dense.
La génoise roulée fraises-sakura (fleur de cerisier) nous faisait de l’oeil tant elle était belle… mais disponible qu’en grand format.
Petit coup de cœur pour le Paris-Brest au thé Hojicha, doux et torréfié.
C’est sûr, on repassera - ne serais-ce que pour tester les grosses meringues au thé du même nom.

Pâtisserie Toshiya Takatsuka - 16 rue George Bernard Shaw Paris 15






It Paris

Par Karine Salomon

- Bonjour, c'est pour un bilan de compétences.
- Parfait. Dîtes m'en un peu plus sur vous.
- J'aime manger, beaucoup. Et j'aime le bon vin.
- Très bien. Et ?
- J'aime beaucoup aller voir des expos et je m'y connais un peu.
- Ah c'est pas mal ça.
- On me dit que j'écris bien et que j'ai pas mal d'humour.
- Bon, ça peut servir.
- J'aime raconter, expliquer, vulgariser, faire saliver. Et rebondir sur l'actualité.
- Très bien. Alors, si je résume, vous êtes une rédactrice, gourmande, férue d'art, avec un talent certain pour le récit et les bons mots. Vous devriez écrire une newsletter.