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Par Karine Salomon
7 déc. · 4 mn à lire
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Idéologie et vérité

Des interrogations sans réponse et du houmous pour rapprocher les peuples.

Hier, alors que ma cousine révélait au chauffeur de taxi qui l’accompagnait à Roissy, la destination de son vol, s’est vue rétorquer “Israël ? Plus pour longtemps…”.

Il y a deux jours, une question simple a été posée par la Congresswoman Elise Stefanik au Dr Kornbluth, Présidente du MIT, à Mrs McGill, Présidente de UPenn, et à Mrs Claudine Gay Présidente de Harvard, “considérez vous que l’appel au génocide des juifs, exprimé sur vos campus, constitue une violation aux règles de vos établissements en matière d’intimidation et de harcèlement ? Oui ou non “.
Leurs réponses embarrassées se sont réfugiées derrière la liberté d'expression, le contexte, l’analyse du degré de gravité, et la personnification des attaques.
En bref, pour agir contre les cris de “there is only one solution, intifada revolution”, il faudrait, ont-elles précisé, que la violence des mots s’accompagne d’actes.
Du sang sinon rien.

Manuel Bompard s’est insurgé avec grandiloquence devant la question qui lui était posée relative aux récents discours de son chef de file, la raclure, qui avait scandé à une foule acquise “Vive Gaza ! Gloire éternelle à ceux qui résistent”.
L’affaire prenant une tournure encore plus abjecte lorsque cette journaliste intègre fut traitée de “fanatique” et de “manipulatrice” par la raclure précédemment citée, l’obligeant à recourir à une protection policière renforcée.

Il n’est ici ni question de vérité, ni de réflexion, de nuance ou de mesure.
Il n’est question que d’idéologie, de revendication, et de slogans dégueulasses, communautaristes et électoralistes.

L’importation du conflit israélo-hamas dans les pays occidentaux est un prétexte pour exprimer la haine contre un oppresseur fantasmé, tout à la fois blanc, colonisateur, mâle, capitaliste, hétérosexuel et bien entendu Juif.
Ce Juif à la fois identique, mais différent.
Ce Juif dont l’histoire est faite de résilience, de renaissance, d’adaptation et d’assimilation.
Ce Juif qui aime la France, et qui demande à ce que la raclure soit traduite en justice pour apologie du terrorisme.
Ce Juif qui voudrait qu’on se souvienne des atrocités exterminatrices du 7 octobre, en ce qu’elles avaient d’exceptionnellement génocidaire et bouleversant.
Ce Juif qui répète encore et encore qu’il n’a rien contre les musulmans, mais contre l’islamisme qui est le cancer du monde moderne, et que si demain les musulmans de France décidaient de marcher en nombre pour exprimer leur dégoût des pratiques nauséabondes de l’islam radical, il serait à leur côté.
Ce Juif qui souhaite une solution pacifiste à deux états, qui admet la responsabilité formidable du gouvernement israélien, qui pleure les morts civils, mais qui connait l’histoire et identifie les responsables.

Ce Juif qui célèbre aujourd’hui le premier jour de Hanouka, la fête des Lumières, mais aussi celle de la victoire de l’armée laïque des Maccabées contre l’Empire grec d’Antiochos IV qui avait déclaré la religion juive hors la loi.
Nous sommes au IIe siècle avant notre ère, la Judée, alors habitée par les Hébreux, fait partie de l’Empire séleucide, issu de la dynastie d’Alexandre le Grand.
Hanouka signifie littéralement « inauguration » et désigne celle du nouveau Temple de Jérusalem reconquis par les Maccabées.

Le triomphe de Juda Maccabée - Paul Rubens 1636 (détail)Le triomphe de Juda Maccabée - Paul Rubens 1636 (détail)

Ce soir, dans une petite maison de la banlieue d’Ashkelon, Liudmila allumera ses bougies en pleurant doucement.
Elle a perdu son mari il y a quelques mois, et sa famille “est trop occupée pour venir me voir tous les jours”, regrette cette petite grand-mère originaire de Bulgarie, installée depuis 60 ans dans le sud modeste d’Israël.
Les sirènes sonnent plusieurs fois par jour à Ashkelon, mais
Liudmila, âgée et handicapée, ne peut plus rejoindre son abri. Elle reste sur son fauteuil et pleure doucement.
Sans le dôme de fer, Liudmila serait morte depuis longtemps, et ses enfants trop occupés pour aller la voir tous les jours, sans doute aussi.


La revanche du houmous

Des pois chiches réduits en purée, de l'ail (perso je n’en mets pas), du citron, et de la crème de sésame (“tahini” ou “tehina”), les ingrédients du houmous font moins débat que ses origines, disputées entre Israël, le Liban, la Syrie, l’Egypte, et même la Grèce, la Jordanie et la Turquie !

Les premières traces écrites parlant de pois chiche dans des préparations culinaires remontent à la Mésopotamie du VIIIe siècle avant JC, et comme le dit avec humour Oren Rosenfeld, réalisateur du documentaire Hummus! the movie, “le houmous est un plat du Moyen-Orient revendiqué par tous, mais qui n'appartient à personne”.

Le réaliser à la maison est d’une facilité lévantine : des pois chiches secs qu’on aura fait tremper toute la nuit ou de bons pois chiches en bocal (avec le jus), du jus de citron et de belles cuillères de tehina, achetée de préférence dans les épiceries orientales plutôt qu’au supermarché.
Pour les puristes, ou les sujets aux flatulences, il est idéal d’enlever la petite peau translucide qui recouvre le pois chiche. En prévoyant une petite semaine de congés.
A servir froid ou tiède avec un filet d’huile d’olive, du zaatar ou du piment d’Espelette.
Pour les plus gourmands avec une compotée d’oignons, des pois chiches chauds et un demi-œuf mollet.
Idéal avant un marathon…

Voici quelques adresses pour s’y tremper à Paris.

Soum Soum - deux adresses (11e et Levallois) et du houmous en assiette, en pita, en plat, en dessert.

Chiche - (10e) pour déguster le houmous comme à Tel Aviv avec des pignons torréfiés et des pickles - version aubergine, viande ou shakshuka disponibles pour les affamés.

Kubri - (11e) pour un houmous libanais twisté, épais et addictif, servis en plat, avec en ce moment des choux de Bruxelles croustillant ou des ribs d’agneau.

Pois Chic - un peu caché dans une rue du 14e, c’est un petit nouveau déjà grand dans l’assaisonnement de la précieuse graine.

Et quelques établissements qui défendent la gastronomie israélo-lévantine avec ardeur.

Boubalé, le dernier-né de l’empire culinaire d’Assaf Granit (déjà derrière Shabour, Tékes et Kapara qui vient de remplacer Balagan et dont nous n’entendons pas les meilleurs échos).
Cette “petite poupée” ou “petite chérie” en Yiddish séduit d’abord par son cadre, slave et vintage, comme la salle à manger fleurie d’une vieille bobe ashkénaze, en plus chic et plus looké.
Le grave-laks se pare d’arak et d’aneth.
Le foie haché, cultissime plat, se sert à même la louche avec cornichons.
Le tarama, très réussi, arrive nappé d’une compotée de tomates.
On est évidemment à l’est, mais le chef, malin et international n’oublie pas ses classiques, Cesar salade, entrecôte, et s’amuse à mélanger les matza balls aux pickles de moules et au homard…

Boubalé
6 rue des Archives 75004 Paris
Fermé dimanche - Carte 50-55€

Guefen (vigne en hébreu) est à l’opposé de Boubalé. Son chef Ohad Amzallag, natif de Beer-Sheva dans le désert du Néguev, et précédemment chez Shouk, est aussi discret qu’Assaf est populaire, et le lieu est aussi minimal et intime que l’autre est sophistiqué et coloré.
On est ici dans la pure gastronomie (menu dégustation à 97€), centrée sur la mer et le végétal.
Pas de viande donc, mais des fruits de mer et du poisson, rehaussés de sauces délicates et de condiments fermentés, spécialité du chef.
Un nouveau menu, que nous n’avons pas eu la chance de gouter est en place depuis le 3 décembre.
Une adresse à préférer à deux, la grande table d’hôte et le bar permettant les échanges et les rencontres.

Guefen
9 rue du Vertbois 75003 Paris
Du jeudi au dimanche soir uniquement

Les nouvelles de décembre


Trois news sucrées et festives, pour oublier un peu tout ce chaos ambiant.

Une jolie bûche et des cakes à tomber chez Ginko.
Sayo Yamagata, américaine de parents japonais, et Othman El Ouraoui, français d’ascendance marocaine, ont ouvert leur écrin gourmand après un passage formateur au Bristol.
À titre personnel, je lorgne sur la buche Mont-Fuji, crème de marron, biscuit moelleux marron, confit cranberry, matcha.

Plaq, le chocolat haute-couture fait dans le pop-up chic rouge et blanc pendant tout le mois de décembre.
Au menu, un panettone d’exception conçu en collaboration avec Christophe Louie (à croire qu’il n’y avait pas de panettone avant Cricri), des tablettes mendiant, du chocolat chaud, des pralinés de fous…
À mettre sous le sapin avec parcimonie et mise en scène.

Chez Tomo (meilleur dorayaki de Paris), on peut commander un daifuku glacé géant mangue matcha - le daifuku c’est le vrai nom du moshi. La glace vient de chez nos copains Enzo & Lily avec zéro de tout. Zéro additifs, zéro colorants, zéro sirop de glucose, zéro conservateurs… mais tout le talent de Lionel hérité de papi Berthillon.