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Par Karine Salomon
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Qui c'est qui est très méchant

Les méchants...

Au préalable, et parce qu’on me prête parfois des opinions que je n’ai pas, je souhaiterais redire à quel point l’échange, la compréhension de l’autre, et l’apaisement me manquent cruellement.
Et alors que la situation s’embrase si tristement au Moyen-Orient, je souhaiterais réaffirmer, s’il en était besoin, mon attachement indéfectible et intime à l’État d’Israël, ce qui ne m’empêche ni d’en critiquer férocement la politique, ni de regretter la présence de dirigeants extrémistes et d’ultra-religieux qui en pourrissent le merveilleux paysage.
En cette nouvelle année juive, je formule le vœu de pouvoir, un jour, prendre le train de Tel Aviv à Beyrouth.
Et celui de voir 104 cœurs enfermés revenir chez eux.



Nous avons été élevés avec des images bien identifiables et bien définies de gentils et de méchants. Dans le royaume des fées, des ogres, des princes, des monstres, il était facile de voir qui était fréquentable et qui était dangereux.
Puis est arrivé Batman, avec ses traumatismes, ses névroses et son costume de chauve-souris. Et le Joker avec son sourire figé et son allure de clown. Dans ce monde obscur et apocalyptique, il n’était alors plus si simple de discerner l’honorable de l’ignoble.
On découvrait l’inhumain souriant et le bienveillant assombri.
On accordait au serpent des circonstances atténuantes et à la colombe des intentions funestes.

Aujourd’hui encore, le monde, par excès de culpabilité, de révisionnisme et d’opportunisme nauséabond, a la vision trouble et le jugement hasardeux.
Nasrallah, ingénieur du chaos, fanatique implacable, suppôt des gardiens de la révolution iranienne, néfaste destructeur du Liban, soutien de Bachar el-Assad, misogyne, homophobe, à la pensée religieuse étriquée, nourri à la haine frénétique d’Israël, des juifs et des démocraties occidentales, devient “charismatique”, “fan de Maradona”, “théologien érudit”, père inconsolable d’un fils mort en “martyr”. Sa “grosse barbe et ses fines lunettes” font pâlir le Père Noël, même quand il est une ordure.

Les milices islamistes chiites, Houtis au Yémen, Hachd al-Chaabi en Irak, Hezbollah au Liban, Hamas à Gaza, proxys de l’Iran, les mêmes qui kidnappent et asservissent sexuellement les femmes Yézidies, les murent en Afghanistan, les torturent en Iran, sont les idoles anticoloniales de féministes imbéciles, ignares et aveugles.

Ceux qui pendent les rappeurs, abrutissent les esprits, condamnent et emmurent les contestataires, sont devenus les icônes d’une jeunesse en mal d’insoumission et de violence.

Le violeur-assassin d’un jeune femme de 19 ans, parce qu’il est sous OQTF, est l’étendard d’un groupe d’ultras extrêmement gauchistes, extrêmement indécents et extrêmement néfastes.

Les jeunes femmes voient dans le voile un signe de revendication et d’indépendance. 
La laïcité ? un principe éculé.
Charlie hebdo ? Ils l’avaient quand même un peu cherché.
Samuel Paty ? Regrettable, mais explicable.

Faut-il être à ce point aliéné, lâche, et ignorant pour défendre son bourreau et soutenir ses geôliers ?
Nos gouvernants, nos intellectuels et nos journalistes auraient-ils été frappés par le syndrome de Stockholm ?

Ne plus reconnaître les vrais méchants et les faux gentils, c’est accepter que l’extrême droite autrichienne obtiennent 28,8% des voix, c’est autoriser LFI à cracher sur Israël tout en soutenant Poutine, c’est permettre les appels à l’intifada dans les rues, c’est oublier le Soudan, c’est se coucher devant le nombre.

Ne plus reconnaître les vrais méchants, c’est tolérer que les commémorations des atrocités du 7 octobre soient menacées. C’est ne pas saisir que le combat contre l’obscurantisme est mondial, et surtout multi-confessionnel. C’est croire encore que tout se joue sur une bande de terre grande comme deux département français, pendant que la Chine agit dans l’ombre, main dans la main avec une Russie en mal de guerre froide, un Iran bientôt atomique, et dune Amérique devenue froussarde.

Berggruen, galeriste collectionneur

Journaliste de formation, passé un temps par l’UNESCO, Heinz Berggruen nait en 1914 dans une famille juive à Berlin. Il quitte l’Allemagne nazie en 1936 pour se réfugier en Californie et c’est à San Francisco qu’il fait ses premiers pas dans l’art moderne.
De retour à Paris, il ouvre une galerie Place Dauphine, puis s’installe rue de l’Université.

Son immense carrière de galeriste, à la reconnaissance internationale, et sa fabuleuse collection aujourd’hui exposée au Musée de l’Orangerie, il les doit à sa passion précoce et éclairée pour deux “petits” peintres, Picasso et Paul Klee.
Ce sont justement les merveilles de paysages de Klee, dont le Paysage en Bleu (1917), figurant sur le carton de l’exposition, qui méritent à elles seules de faire la queue avec les touristes venus admirer les Nymphéas.

On ne manquera pas d’admirer les nombreux Picasso, le Nu Bleu (1952) de Matisse, en papier découpé, une invention du Maître que Berggruen contribuera à faire reconnaître.
L’Immense Femme Debout de Giacometti, masque un peu la Place (1948) du même sculpteur, bijoux de finesse et de réalisme.

Peu rancunier, Heinz Berggruen cèda en 2000 son impressionnante collection à l’état allemand. Un musée lui est dédié à Berlin.


Heinz Berggruen, un marchand et sa collection
Musée de l’Orangerie jusqu’au 27 janvier 2025



Au bonheur des Dames

Le resto ne coche en rien les standards bruts du moment. Le béton laisse la place à l’ocre chatoyant, les chaises dépareillées aux fauteuils velours et cuir, et les tables en formica façon loupe d’orme n’ont rien à envier à celles de Véronique et Davina.
Cette Dame fait à fond dans le chic 70’s : les toilettes, bordeaux, brillent de mille facettes, et, au mur, une platine verticale d’époque fait tourner quelques vinyles groovy.

Encore plus que chez Bonhomme, ouvert il y a quelques années par la même équipe de copains amateurs de bonne chère et de bonnes quilles, la carte met en valeur les producteurs et les vignerons - c’est le fil conducteur de ce nouveau menu.
Cabillaud de ligne tout juste pêché en Normandie, boeuf d’Aubrac et d’Aveyron, et une sélection de belles bouteilles, fruits d’une longue balade dans les régions viticoles françaises.
Chaque plat se déclinent en trois taille : solo, pour deux ou pour quatre. On choisi aussi sa garniture et sa sauce.
C’est sans esbroufe, les cuissons sont parfaites et les jus très réussis.
En dessert, on a gobé les beignets minute, aériens, nappés de crème pistache, et la mousse délicate au chocolat monovariétal Xoco.
Bravo pour le parti pris disco-funk.
On attend avec impatience la pose de gros rideaux en velours pour s’y lover pendant les froides soirées d’hiver.


Dame - 38 rue Condorcet, Paris 09 - fermé dimanche et lundi



Akerman, cinéaste accidentée

Il faut avouer que nous ne connaissions pas grand chose du travail de Chantal Akerman, pourtant considérée par certains comme l’une des réalisatrices majeures du 20e siècle.

Plutôt que de chercher à paraphraser des articles de Télérama que nous ne comprenons pas, nous avons décidé de laisser la parole à Chantal.

“De mon histoire, ou parce que ma mère n’a rien raconté des camps, sans doute, tout mon travail est né de ça (…). Il est né d’une sorte de trou que j’avais besoin de remplir et que j’ai été cherché à travers des films, et des mots, et des gens.”

“Je voudrais faire un grand voyage à travers l’Europe de l’Est. Je voudrais filmer là-bas à ma manière documentaire, frôlant la fiction. Tout ce qui me touche. Des visages, des bouts de rues, des voitures qui passent et des autobus, des gares et des plaines, des rivières ou des mers, des fleuves et des ruisseaux, des arbres et des forêts. Des femmes et des hommes, des jeunes et des vieux qui passent ou qui s'arrêtent, assis ou debout, parfois même couchés. Des jours et des nuits, la pluie et le vent, la neige et le printemps. Et tout cela qui se transforme doucement, tout au long du voyage.”

“Déjà gosse, j'avais cette idée un peu bébête de la bohème, que j'allais partir un jour écrire des romans à Paris dans une chambre de bonne.”

“J'ai toujours voulu faire un film sur la diaspora juive. Dans mon esprit, c'était un vaste Autant en emporte le vent ardent et romanesque. Puis j'ai songé à une forme plus intérieure (…) Sans doute était-ce enfin une façon de communiquer avec ce qu'a vécu ma mère, et qui l'a laissée incapable de parler pendant toute mon enfance, au point que j'en étais moi-même malade.”

“Je crois que nous sommes à la fin, au bout de quelque chose et que nous allons commencer quelque chose d'autre dont nous ne savons encore rien(…).”


Chantal Akerman - Travelling

Jeu de Paume jusqu’au 19 janvier 2025