Ce soir j’irai au match.
Pas parce que j’aime le foot, cela fait un moment que je ne me passionne plus pour ce sport, certes capable de transcender les foules, mais que trop d’enjeux financiers et d’accointances douteuses ternissent.
Je n’y vais pas pour soutenir l’équipe d’Israël, je ne suis pas israélienne. Ni pour soutenir l’équipe de France, qui n’aura, a priori pas besoin de mon appui pour dominer sans grande résistance.
J’y vais pour être là.
J’y vais pour occuper l’espace, qui me semble de plus en plus restreint et de plus en plus menaçant, et pour réaffirmer mon attachement à l’État de droit.
J’y vais, enfin, pour revendiquer le droit à la connerie.
Car si la connerie et les provocations racistes et homophobes dans le football - insupportables et condamnables - suffisaient à justifier le lynchage ciblé, prémédité, et organisé de supporters, la police aurait fort à faire… à commencer par les abords du Parc des Princes.
À Amsterdam, il ne s’agissait pas de répondre à la provocations de quelques hooligans abrutis, mais bien de chasser du Juif.
Oui, il y a des cons chez les Juifs. Des râleurs, des agressifs, des escrocs, des bienveillants, des pacifistes, des optimistes. Il y a des religieux et des laïcs, des progressistes et des passéistes. Il y a des militants de droite, et même d’extrême droite. Il y a ceux qui soutiennent la politique de Netanyahu, et d’autres, très nombreux, qui ne se gênent pas pour la critiquer.
En cette période où la rengaine du Juif seul responsable des crises, des cataclysmes et des déséquilibres ressurgit, et où l’antisémitisme devient “vertueux”, je voudrais réaffirmer notre droit à l’humanité, à la diversité et même à la connerie.
Pierre Dac l’a si justement résumé : “Quand un français est con, on dit “quel sale con!”. Quand un juif est con, on dit "quel sale juif! ".
La chasse est bien ouverte, et il ne s’agit pas de la chasses aux cons - sinon les rangs de la France Insoumise et une partie de ceux du RN seraient dépeuplés. Il s’agit de la chasse aux Juifs.
Qu’ils viennent donc me chercher. Ce soir je serai au milieu de la foule avec mon drapeau français, mon écharpe bleue et blanche, et ma casquette “BRING THEM HOME”. C’est aussi, et surtout pour eux, que j’y vais ce soir.
Les lumières de Turrell
Celle ou celui qui a eu la chance de s’asseoir un instant dans un Skyspace de James Turrell, ce cocon coloré minimal baigné de lumière et ouvert sur le ciel, sait. Elle ou il sait que le titre de “maître de la lumière” attribué à Turrell n’est en aucune manière usurpé.
Né à Los Angeles en 1943, James Turrell fait des études de mathématiques, de géologie et d’astronomie avant de débuter, dans les années 60, son travail sur la perception et la lumière, au sein du Light and Space Group, rendu notamment célèbre par les néons de Robert Irwin
Pour mettre en valeur les œuvres de James Turrell, il fallait un environnement à la hauteur de leur luminosité. Les 1 650 m2 de la galerie Gagosian au Bourget semblent tout juste suffisants…
Si deux nouvelles pièces issues de ses séries emblématiques, All Clear (Ganzfeld), et Either Or (Wedgework) sont présentées, c’est aussi l’occasion de se plonger - au sens propre comme au figuré - dans ses installations lumineuses qui bouleversent notre perception.
En attendant de pouvoir déambuler dans les 21 espaces et 6 tunnels du Rodan Crater, un volcan de 400 000 ans, situé à 1600 mètres d’altitude dans le désert d’Arizona et acquit par Turrell en 1977, on se consolera avec les plans, maquettes et études présentés dans l’exposition.
Se perdre dans les lumières de Turrell c’est un peu skier sous temps blanc lorsque neige et ciel se confondent, ou se balader en montagne dans le brouillard. Un état d’abandon et de méditation que certains devraient expérimenter.
James Turrell, At One
Gagosian - 26 avenue de l’Europe 93350 Le Bourget
De 11h à 18h - fermé dimanche et lundi
Un goût de géranium
Si vous êtes amateurs de bonnes tables ou d’articles gastronomiques, vous avez sans doute vu passer les critiques élogieuses sur le restaurant Aldéhyde, ouvert il y a quelques mois par le chef Youssef Marzouk et ses associés.
C’est avec simplicité et émotion que le chef dévoile son parcours : un père pâtissier et une mère restauratrice “qui ne voulaient pas que nous suivions la même voie”, et les parfums de la maison de ses grands-parents en Tunisie. Ce sera donc la chimie pour Youssef, avant de se reconvertir en magicien cuisinier. Un passage au Ritz, au Tout-Paris, chez Tomy and Co, et le voilà derrière ses propres fourneaux.
La cuisine est française, ponctuée de quelques touches orientales, mais surtout acide, fermentée, vinaigrée. Car c’est là la force du chef : des vinaigres, des condiments, des eaux de fleurs, “faits maison” qui parfument et rehaussent les produits.
Le midi, le menu est qualifié de “gourmand” et nous avons eu du mal à finir l’épatant parmentier de canard, tout sauf classique, au jus corsé, et au baies de goji acidulées. Le cabillaud tout céleri, au beurre blanc végétal, est aussi raffiné que monochrome.
Le soir, le menu en 5 ou 7 temps se délicatise, à commencer par une version twistée d’un dubarry de chou-fleur au ras el-hanout floral. Un pré-dessert comme la douceur du matin, associe le géranium et le citron, et le dessert signature au chocolat fumé et à la tajète rappelle, de manière plus nuancée, les After Eight dont le grand-père de Youssef raffolait. Le chef raconte avoir même fumé le crémeux chocolat pour retrouver l’odeur particulière de son aïeul.
Ce qui nous a particulièrement marqué, c’est la délicatesse et surtout l’équilibre de chaque plat, peu salé, peu sucré, avec une acidité présente et maîtrisée, frais même dans la gourmandise.
L’aldéhyde est corps chimique obtenu par oxydation de l'alcool, la chimie n’est pas bien loin.
Aldéhyde - 5 rue du Pont Louis Philippe 75004 Paris
Déjeuners mercredi-samedi (35/45€) - Diners mardi-samedi (95/120€)