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Par Karine Salomon
22 mars · 3 mn à lire
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Par ci par là

Des réflexions, des découvertes, des retrouvailles et des remerciements

Je voudrais d’abord vous remercier.
De votre fidélité, de votre constance et de vos messages extraordinaires.
Comme d’autres, ma vie a basculé le 7 octobre.
Pas uniquement parce qu’Israël a été sauvagement attaqué et envahi ce jour-là. Et pas seulement parce qu’un antisémitisme d’un nouveau genre s’est révélé dès le lendemain.

Elle a basculé, car j’ai pris conscience d’une haine et d’une ignorance dont je ne soupçonnais pas l’étendue.
Invoquer le néocolonialisme, en faisant le jeu machiavélique de puissances dont les objectifs sont colonisateurs !
Se réclamer du féminisme, en promouvant des régimes qui enferment et tuent les femmes !
Clamer son homosexualité ou son transgenre enroulé d’un keffieh qui aurait servi de linceul dans les pays que l’on applaudit !
Hurler son indignation et laisser s’infiltrer les ennemis de la liberté d’expression !
Se dire insoumis, mais ne faire preuve que de soumission !

Je tremble devant la puissance des imbéciles face au silence courtois des réfléchis.

Je voudrais également remercier les restaurants, les musées et les artisans d’accepter de voir les chroniques qui leur sont consacrées, coincées entre ma colère et ma pugnacité.

Et s’il peut paraître étrange de passer de l’étendard à l’assiette, je vois dans les plaisirs curieux de la bouche et des yeux une forme de résistance à ce qui, un jour, pourrait nous tomber dessus.


Mme O.

Mme O. a frappé à notre porte hier soir. Elle nous a déposé des bricks à la viande qu’elle avait préparées pour le Ramadan. Il y en avait deux par personne, pour chacun d’entre nous.
Mme O. est arrivée d’Algérie il y a près de 40 ans et cela fait bien 25 ans qu’elle tient l’immeuble avec caractère et gentillesse. Sa fille a fait de belles études et son fils la seconde depuis que son mari a été diminué par un accident.
Mme O. c’est un peu Latifa Ibn Ziaten, mère d'Imad, militaire assassiné par Mohammed Merah à Toulouse il y a tout juste 12 ans, une femme française de religion musulmane, pratiquante et citoyenne.
Mme O. se fout de savoir si nous sommes juifs. Elle se fout de savoir si nous accrochons une mezouza à notre porte. Mme O. nous aime beaucoup et nous l’aimons aussi.
À la fin du Ramadan, elle reviendra frapper à notre porte avec des makroud coulants de miel.
On ira en offrir à Claire Touzard*.


Les retrouvailles

- Ça va Katsu ? Tu ouvres quand ton nouveau resto ?
- Salut Katsu ! Tu nous manques, c’est pour bientôt le resto ?
- Hi Katsu! We are longing the opening of your new restaurant...

Depuis la fermeture d’Abri, la nouvelle adresse de Katsu Okiyama était attendue comme le loup blanc.
C’est chose faite avec Minore, fruit de l’association du chef japonais le plus flegmatique de Paris avec Hugo Combe, déjà derrière le bar à cocktails le mieux noté de Paris, le Classique café, à deux pas de là.
Il se trouve que Katsu y venait souvent boire un long drink, et que ces deux-là ont fomenté leur coup avec patience et amitié.

Voici donc leur resto d’une grosse 20aine de couverts et bar à cocktails d’inspiration japonaise enfin ouvert au grand public impatient - la plateforme de réservation explose…

On a retrouvé le sourire moqueur de Katsu qui cette fois déambule dans sa cuisine, où il forme Yeon Jun, et sa seconde Margaux Brenet passés par des bistrots de caractère comme le Servan.
On a retrouvé le menu en 5 étapes, les écumes, les sauces nappantes, la nacre du poisson, le filet de canette, et le dessert acidulé aux agrumes.
Si on voulait chipoter un peu et titiller l’ego du chef, qui n’en a pas beaucoup, on dira qu’on attend l’acidité des framboises pour percuter encore un peu la suavité de certains plats.
Mais on est si heureux d’avoir retrouvé nos marques, qu’on le dira tout doucement.

La musique monte un peu, et au bar, les cocktails prennent feu.
Hugo et Clément sont aux petits soins en salle.
Katsu regarde d’un œil malicieux cette nouvelle aventure qui fait déjà le buzz.
Minore c’est un peu moins d’abri et un peu plus d’expression.

On a repris nos bonnes habitudes et déjà réservé pour dans quelques semaines. C’est reparti !

Minore
4 avenue Trudaine Paris 9
menu 5 étapes 60€ (il y aura peut


Pâques en Plaq

Un petit aparté chocolaté pour faire de la pub volontaire à trois chocolatiers que nous aimons.

Plaq, manufacture de très bon chocolat qui frappe fort avec un design plus que mignon, des packagings d’enfer, du beau papier, des autocollants, des coloriages pour enfants.
Et surtout du chocolat et des pralinés complètement déments et heureusement suffisamment puissants pour qu’on parvienne à s’arrêter de les dévorer.
Pop-up rue des Martyrs - Boutique atelier rue du Nil - Corner Lafayette Le gourmet

Gilles Cresno, qui ne fait toujours pas plus parler de lui et qui n’a pas bougé de son Rueil-Malmaison de cœur. Pas de vague, mais du très bon chocolat et des pralinés classiques à des prix défiants toute concurrence. On ne fait qu’une bouchée de ces petits œufs au praliné croustillant.

William Artigue est le petit nouveau. Installé derrière la place de la République, il réalise pour fêter Pâques d’adorables petites loutres endormies en chocolat. Au-delà de ses bouchées généreuses, presque boulangères, ce sont ses pâtes de fruits qu’on a adorées. Des bonbons fruités intenses.


La comédie humaine

Le titre du nouvel accrochage de la Bourse de Commerce est “Le Monde comme il va”, mais on aurait pu l’appeler “la comédie humaine” (titre d’un des espaces, génial d’ailleurs), tant elle met en scène les travers de nos sociétés autocentrées, autoritaires, surconsommatrices, frénétiques et violentes.

Et à voir les selfies et autres contorsions narcissiques des visiteurs sur l’impressionnant miroir de sol de l’artiste coréenne Kimsooja, qui envahit la Rotonde, on se dit qu’effectivement ce monde va bien quelque part, mais où, alors là.. ??

Jean-Marie Gallais, commissaire de l’exposition, et Emma Lavigne, directrice de la collection Pinault, ont sorti l’artillerie lourde. Maurizio Cattelan, Cindy Sherman, Damien Hirst, Peter Doig, Jeff Koons, Martin Kippenberger, Bertrand Lavier, Wolfgang Tillmans, et bien d’autres.

Kimsooja, To Breathe-Constellation (2024) - Damien Hirst, The Fragile Truth (1997-1998)Kimsooja, To Breathe-Constellation (2024) - Damien Hirst, The Fragile Truth (1997-1998)

Et puisqu’ici, nous n’engageons que nous, voici une petite sélection.
Géniale salle consacrée aux sculptures modelées en argile du duo ironique suisse, Peter Fischli & David Weiss. Bien lire les titres des modelages qui en font tout le piquant (Galerie 3).

Ne pas oublier de visiter le sous-sol pour s’oublier devant le très beau film Thread Routes de Kimsooja autour des traditions de tissage à travers le monde, véritable mosaïque culturelle. Et sa performance dans l’anonymat des grandes métropoles A Needle Woman.
Les œuvres de Kimsooja s’exposent également dans les vitrines.

Comment ne pas adorer, surtout en ce moment, la pièce grandeur nature, mobile et hyperréaliste des artistes chinois Sun Yuan & Peng Yu. Automates séniles en fauteuils roulants des figures autocratiques du monde (Salles des Pas perdus, galerie 2).

Et la reproduction de mémoire d’un ensemble de ready-made exposés par Duchamp en 1938 lors de l’Exposition internationale du Surréalisme par l’artiste américaine Sturtevant, qui pose la question de l’appropriation et de la véracité d’une œuvre (Galerie 7).

Une exposition qui comme souvent se consomme de plusieurs façons, et pose, sans y répondre, de sérieuses questions.
“Miroir, mon beau miroir, dis moi où va le monde ?”…

Sun Yuan & Peng Yu, Old People‘s Home, 2007 - Peter Fischli & David Weiss, Sudenly this Overview (1981-2012)Sun Yuan & Peng Yu, Old People‘s Home, 2007 - Peter Fischli & David Weiss, Sudenly this Overview (1981-2012)

Le Monde comme il va
Bourse de Commerce
Jusqu’au 2 septembre 2024


*Claire Touzard, autrice “engagée” qui publie également sur cette belle plateforme Kessel, passe son temps à dénoncer le néocolonialisme dont Israël serait l’unique responsable et inonde les réseaux sociaux de messages qui transpirent la haine, non pas des israéliens, mais bien des juifs. 
Car oui, être viscéralement antisioniste aujourd’hui revient exactement à la même chose.
Pas un mot sur l’horreur des attaques du 7 octobres, sur les viols, sur les otages.
Pas une référence historique.
Pas une autre indignation.
Juste une story permanente « pastèque » où elle déverse toute son aigreur, en faisant notamment la promotion de comptes négationnistes.