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Par Karine Salomon
25 avr. · 3 mn à lire
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I have a dream

Mettre les points sur les qui


Il est des phrases dont l’authenticité, même remise en cause, ne change pas l’exactitude du propos.

Peu de temps avant son assassinat en avril 1968, le révérend Martin Luther King, alors en voyage à Boston aurait prononcé cette phrase, en réponse à un jeune homme qui mettait en question la légitimité d’Israël, When people criticize Zionists, they mean Jews. You’re talking anti-Semitism!”

Relayée par Seymour Martin Lipset, alors professeur d’études politiques et de sociologie a Harvard, cette affirmation a été successivement reprise ou contestée selon la rive du Jourdain sur laquelle on se tient.
Et si certains commentateurs aiment à préciser que MLK était un défenseur des opprimés et qu’aujourd’hui il aurait sans doute pris fait et cause pour l’existence d’un État palestinien - ce que nous souhaitons aussi, autodéterminé et démocratique - il n’en demeure pas moins qu’en 1967 à la sortie de la guerre des Six Jours, le révérend avait réaffirmé “The whole world must see that Israel must exist and has the right to exist”.

À ceux qui se plaignent d’être taxés d’antisémites alors qu’ils ne seraient qu’antisionistes, voici…

Lorsqu’on plébiscite l’Iran, cette magnifique autocratie religieuse meurtrière dirigée par les mollahs - et dont la finalité affirmée est de rayer “l’entité sioniste” de la carte -, comme seul rempart à l’impérialisme américano-sioniste, on est antijuifs. Et anti-iranien aussi. Et affreusement bête.

Lorsqu’on empêche des femmes de défiler en soutien aux otages féminines enlevées, violées et dont le retour est peu probable, aux cris de “sionistes fascistes”, on est antijuifs.

Lorsqu’à Columbia, on menace des élèves parce que juifs, et lorsque dans les innombrables manifestations pro-palestiniennes à travers les campus, on crie “fuck jews”, on est a priori très antijuifs.

Lorsque les actes antisémites à travers la planète atteignent des chiffres inimaginables, sous couvert de “défendre ou venger la Palestine”, on est antijuifs.

Lorsqu’un tweet de Mélanchon, considère que ce sont “les associations amies de Netanyahu” qui ont porté plainte contre les députés de son parti pour apologie du terrorisme, c’est antijuifs.
Et surtout antifrançais de confession juive, capables de penser et de se défendre en dehors des frontières israéliennes.
Et quand son tweet se termine par “on sait dorénavant QUI menace la liberté de conscience”, on est carrément antijuifs. “Qui ?” étant devenu depuis quelques années un élément de langage a priori transparent, mais bien connu des milieux complotistes antisémites.

Rien ni personne n’empêche de parler des juifs. Rien ni personne n’empêche de critiquer la politique israélienne, mais être antisioniste, c’est remettre en cause l’existence et l’autodétermination d’Israël et c’est de fait antijuifs. Je peux critiquer férocement la politique impérialiste de Poutine, sans m’en prendre au traiteur russe du coin qui me vend du hareng et de la vodka.

Désigner les juifs à la vindicte en leur attribuant des crimes, ou en les accusant de contrôler l’impérialisme et le colonialisme mondial, les médias, l’économie, la politique, la santé et sans doute même le climat, oui c’est antijuifs.


Brancusi, l’art ne fait que commencer

Lorsqu’on visite une exposition en avant-première, le grand avantage est de pouvoir déambuler tranquillement. L’inconvénient est de ne pas pouvoir observer la foule et profiter des remarques qui s’en échappent.

L’exposition Brancusi au Centre Pompidou nous a offert les deux.
Une foule compacte et curieuse, signe que l’art marche et que le grand édifice aux mille tuyaux va incroyablement manquer pendant sa lente restauration.
Et quelques savoureuses conversations et rappels historiques bienvenus.

Il faut noter la scénographe très réussie autour de l’atelier du 8 impasse Ronsin que Brancusi occupe de 1916 à 1957 et dont il léguera l’ensemble intact à l’État français. Le début du parcours présente nombre d’archives et de photographies qu’il n’est pas simple d’apercevoir, mais les pièces exposées par la suite, admirablement mises en scène, permettent d’apprécier les thèmes phares du sculpteur.
Et son incomparable talent pour faire parler les formes simples et les matériaux.

Une brève de conférencière nous rappelle le procès Brancusi vs. Etats-Unis, intenté en 1928 par Constantin aux douanes américaines dans le but de prouver que sa sculpture “Oiseau dans l’espace”, lourdement taxée à l’importation en tant “qu’objet manufacturé” était bel et bien une œuvre d’art et, comme telle, exonérée de droits de douane.

On s’étonne que ces magnifiques portraits aux lèvres charnues et aux chignons tirés, portent encore leurs titres originaux de 1926, Négresse blonde et Négresse blanche, et postée tout à côté des cartels, on guette l’intervention d’une jeune éveillée aux cheveux mauves…

On aime la Sculpture pour aveugles, onyx poli sur socle rugueux, destinée à être caresser. Les Nouveaux-Nés dont on distingue la large bouche ouverte, la Princesse X, godemichet XXL qui fait sourire les visiteurs, les poissons et les crêtes de coqs.
On aime les superpositions de socles et les jeux de matières.
Et l’incroyable gueule de métèque de ce français d’origine roumaine, parti à pieds en 1903 pour rejoindre la capitale parisienne.

Brancusi - L’art ne fait que commencer
Centre Pompidou jusqu’au 1 juillet 2024


19 Saint Roch

C’est donc avec ce nom qui dit presque tout que Pierre Touitou revient sur le devant de la gastronomie parisienne.
Et, en voyant le ballet des foodeurs et des foodeuses qui se pressent (votre serviteuse inclue), le moins que l’on puisse dire c’est que cette ouverture était attendue.

Le resto est looké, certains diront un peu froid, mais le midi la lumière entre quasiment partout. Ca s’agite dans la cuisine toute ouverte, et comme souvent, le bar est propice aux échanges et à l’espionnage culinaire.

Fèves à la poutargue, croquette de joue de boeuf, carottes cumin, huître retravaillée, coques en dashi, langue de boeuf et épinards façon pkeila, merlu nacré et petits pois sauce César, on retrouve le PTT de Vivant, la sobriété en plus.
C’est délicieux, et l’apparente simplicité de certaines assiettes, permet de saisir la qualité des produits, à l’instar de ce sorbet chocolat délicat et fraises au jus.

A la question “Qu’est ce qui change le soir ?”, on nous apporte le menu étoffé de plus d’entrées et plus de plats dont quasiment aucun ne ressemble à ceux du déjeuner.
Et c’est sans doute cela le plus remarquable, la variété des propositions et des accompagnements imaginés par le chef et son équipe.

Alors oui, c’est cher, surtout pour un dej, mais cher n’est pas un gros mot, si tant est que le talent soit au rendez-vous. Il l’est, et ne demande qu’à s’épanouir et gagner encore en audace.
Et puis on mangera plus de kebbabs la semaine prochaine…

19 Saint Roch
Du mardi au vendredi déj et diner
Carte 60-75€